dimanche 27 décembre 2015

Faire trembler les murs

Il se lève un matin comme précipité
ne regarde pas l'heure ni le calendrier
il se dit que finalement tout ça à trop duré
les attentes au portail, la file des humiliés

ce soir il sera là assis au troisième rang
il ne parlera pas mais il se sent vivant
il traversera la ville le noir est si vibrant
les accords de sa vie, du chaos au chantant

   Faire trembler les murs
   Faire taire les frissons
   Faire trembler les murs
   Faire danser la raison

ça parait tellement simple regarder l'horizon
savoir sentir le vent colporter les saisons
oublier ses papiers sans danger de prison
mais il faut rester calme comme ce mur de béton

il a bien écouté les chiffres les idées
tout ça il le savait il suffit de regarder
mais se sentir moins seul ça permet de marcher
le regard bien fixé au dessus des graviers

Faire trembler les murs
Faire taire les frissons
Faire trembler les murs
Faire danser la raison

Il se lève ce matin il est déterminé
il regarde bien l'heure et le calendrier
il sait que c'est fini tout ça à trop duré
les attentes au portail, la file des humiliés

dans une heure tout au plus il refera l'histoire
il offrira ses mains sa force pour une victoire
il sentira le vent sans trop vouloir y croire
ce mur est bien tombé il y a tant à voir

Faire tomber les murs
Faire taire les frissons
Faire tomber les murs
Faire danser la raison



dimanche 15 novembre 2015

art et politique : la soif de récit commun



L’actualité réserve des surprises. En Juillet, au coeur du festival d’Avignon, afin d’accompagner notre “coopérative”, nous avions proposé, à Pierre Zarka une rencontre autour du thème “Art et Politique” dont le texte ci-après retrace l’intervention. La Grèce, patrie de la philosophie et du théâtre, tentait, au même instant, de rester debout face à des voyous à cravates.

Pour écrire un spectacle, nous cherchons les bons mots pour dire le monde, sa complexité et ce qu’il recèle de possibles. Nos récits cherchent un récit plus large. Nous partons à la recherche de la vérité déjà-là mais non encore visible. Nous ne sommes pas une avant-garde éclairée mais plutôt comme un membre de la famille qui se serait spécialisé dans la poélitique.

Le rapport au réel semble un passage courant de la création mais les artistes sont comme le reste de la société, leur désir de “social” ne fait pas une visée. L’art a besoin de politique pour trouver un souffle radical et d’aujourd’hui. L’art doit fuir le rentable, l’efficace, le beau pour le beau. L’art doit fuir le consensus de la bien-pensance et la rhétorique du renoncement.

L’art a aussi besoin de faire politique en dehors des temps artistiques. De nombreuses constructions alternatives existent qui questionnent l’économie de la culture, le rapport au pouvoir, au territoire, la place du public dans la construction des créations. Ces utopies en marche restent pourtant minoritaires. Le monde culturel fonctionne comme un marché et se gargarise de discours sur sa “mission de service public”. Il défend “notre part d’humanité” mais reproduit des méthodes de gestion du personnel digne des plus grandes multinationales. Il radote “démocratisation de l’accès à la culture” mais fonctionne en castes hermétiques. La refondation de ses pratiques autour, notamment, des valeurs portées par l’économie sociale semble une urgence politique.

Mais la politique a aussi besoin d’art. Elle a besoin (nous avons besoin) de co-écrire un contre récit. La politique radicale (vous savez celle qui prend les choses à la racine...) doit se ressourcer à la bouleversante source de la créativité. Elle doit douter de ses mots et inventer des formes, des images qui raconte un non-dit collectif : notre futur.

L’épisode des chemises ôtées aux dirigeants d’Air France a fait irruption dans le récit médiatique permanent. Ceux qui ont condamné à la vitesse d’un avion de ligne ces actes de “violence” n’ont pas sentis que la colère sourde peut trouver de la force dans ces images. Pour beaucoup de monde un “encravaté” est devenu un ennemi de classe. Le choix des formes de luttes est un vaste débat. C’est aussi un débat culturel et nous devons le mener. Le récit quotidien de la saine gestion des affaires, de la lutte contre le déficit, de la “seule solution possible” est écrit comme on rédige un conte, un spectacle. Cette mauvaise pièce est celle qui fait tenir debout ce système château de carte.

Et comme l’actualité réserve des surprises, nous avons découvert un bout du château de carte avec les images de l’Elysée tournée pour un documentaire où l’on découvre Manuel Valls et François Hollande accueillant la nouvelle ministre de la Culture. La scène pourrait être comique si ce n’était pas un drame. On y conseille à Fleur Pellerin d’aller voir Jack (Lang) car “il faut des idées” et il en a. Il faut aussi se “taper” du théâtre tous les soirs et dire aux artistes qui “veulent être aimés” que c’est “beau” que c’est “bien” etc… Le pathétique de la situation dévoile comme jamais une chute dans un vide de sens sans nom. L’art et la politique sont comme des marionnettes dans un jeu médiatique et électoral où les idées et les soirées au théâtre sont des pions à faire avancer pour vaincre et convaincre.



On comprend mieux au visionnage de cette vidéo la récente loi sur la création artistique qui semble s’arrêter à la gestion des affaires courantes. On comprend mieux le silence de nos élites face à la disparition de festivals, face à la fermeture de lieux. La politique et l’art ne mérite pas ce moment historique où l’on semble danser au bord du gouffre. Les peurs, les racismes, les guerres, le recul de la chose publique, tout cela est nié… encore une dernière danse madame la ministre?

Laurent Eyraud-Chaume


mardi 15 septembre 2015

Comment "les artivistes de l'émancipation" ont changé le monde.


(article paru dans l'âge de faire n°100)

Vers 2017 quand les premiers artistes furent candidats aux élections, beaucoup crurent d'abord à un canular. Les Partis de l'époque (mouvement pyramidaux dévoués à l'élection d'un chef) moquèrent ces mouvements initialement disparates qui œuvraient à mettre de "l'art dans la vie". Les premières victoires électorales eurent lieux et les citoyens découvrirent les capacités d'expertise et de gestion de ces militants poélitiques. 
Ils décidèrent notamment de permettre aux activistes de l'éducation populaire de développer à grande échelle l'idée simple que chaque citoyen est un artiste et un expert en puissance et le mouvement fit boule de neige : ils furent bientôt des millions à se déclarer “artivistes” ! Des villages devinrent autonome et décidèrent de désobéir aux différentes institutions. Un vaste réseau mondial, sans centralité et sans hiérarchie, se mit à construire une "mondialité de la rencontre et du partage". Internet fut finalement le premier "espace de l'émancipation mondiale (EEM)" : les découvertes, les brevets furent partagés gratuitement sans aucun respect des droits à la propriété. Les EEM devinrent petit à petit la règle, et bien que leur gestion fasse encore débat aujourd’hui, rare sont ceux qui souhaitent ouvertement la re-privatisation de l'eau, des transports en commun ou même de l'énergie.
Les "artivistes de l'émancipation" utilisèrent les outils de l'art et de la création pour inventer pas à pas le monde qui est le notre à présent. Rétrospectivement, chacun s'accorde à dire que c'est la détermination poétique et la joie de la controverse populaire qui permirent ce vaste basculement. 
En effet, les premiers artivistes décidèrent de commencer par les fins (une idée simple et romantique pour l'époque) : sauver la planète, partager les richesses, émanciper l'être humain des différentes dominations... Ces idées rassembleuses devinrent des films, des chansons, des BD... Les artivistes œuvrent depuis à rendre visible la complexité du monde et son mouvement même, à valoriser la capacité qu'a chacun à transformer le réel. C'est cette méthode qui permit en quelques années de rendre lisible l'utilisation de la dette par les multinationales et les banques, de populariser les issues écologiques, de faire reculer les racismes...
L'autre levier qui rendit ce mouvement incontournable est sans conteste l'idée que si la "fin" est commune, le chemin mérite débat. Cette règle simple, sans doute issue de la part de doute nécessaire à toute création artistique, fut couplée à une notion de plaisir à œuvrer à la chose publique. Les rencontres "saisons d'émancipations", qui sont aujourd'hui un moment partagé de notre vie commune, furent inventés dans un des premiers villages autonomes au Kurdistan vers 2022. Cette méthode était alors une réponse pour vivre ensemble en prenant le temps de partager les différences de culture et en actant des orientations pour un trimestre. Les "saisons d'émancipations" sont à présent un temps qui rythme notre mondialité. Un semaine par trimestre est consacré au "commun" du local au mondial. Les arts et les savoirs, la fête, la controverse et la décision collective sont appréhendé dans un même mouvement.
Si les "artivistes de l'émancipation" sont devenus le symbole du mouvement qui a créé notre monde, leur particularité aura également était de modifier la place de l'art dans la société. Au début de notre siècle l'art était piégé entre des "créations élitistes" avec peu de résonances populaires et des "productions rentables" soumises aux lois du marché. L'émergence de ce mouvement poélitique a libéré le monde de multiples dominations mais aussi les artistes de ce piège à double tranchant. Il a favorisé une pratique populaire de l'art (auparavant la majorité des citoyens étaient exclus de  toute  pratique  artistique) et les œuvres (musicales, théâtrales, cinématographiques…) ont à présent un rôle central dans la co-invention du commun.
Bien-sur, le monde n'est pas fini. Le choc de nos fragilités fait toujours des dégâts : la concurrence a de nombreux adeptes, la planète souffre encore de 200 ans de productivisme, les identités construisent plus de murs que de ponts, des poches de misères subsistent .... La controverse mondiale si elle a un cap ne permet pas toujours de prendre des décisions communes et efficaces à chaque endroit de notre planète. Il n'y a plus de frontières depuis 2043 mais des siècles de guerres et de dominations ont marqué notre humanité. Nous savons depuis le début de ce grand basculement qu'il n'y aura pas de grand soir et cette idée simple nous a libéré pour prendre soin du chemin et non seulement de la destination, c'est bien cela mettre de l'art dans la vie : un art de vivre !

Laurent Eyraud-Chaume, pour le Pas de l'oiseau, théâtre poétique d'utilité publique, en direct de 2050.

samedi 22 août 2015

Sur le vif : ne pas couper les cheveux en 4

File d'attente chez le coiffeur. Interminable.
"On a cherché à embaucher...mais l'été c'est difficile..."
La cliente 60 ans bien poudrée "C'est vrai qu'il n'y a personne d'inscrit au chômage..."
Sourire et regard complice.
Malaise de ma capacité au silence, je vieillis.
"Alors Laurent, toujours comédien ?"
(Un jour j'écrirai un spectacle sur les salons de coiffures où l'on travaille l'art du ciseau et de la parole consensus...)

dimanche 12 juillet 2015

Le théâtre paie sa dette à la Grèce !

Appel
Le théâtre paie sa dette à la Grèce !

Nous, hommes et femmes dont le théâtre est une part de notre vie, devons tant à la Grèce. Notre dette est immense.

Le théâtre et la démocratie sont nés en même temps, et au même endroit, sur l’Agora d’Athènes. Ils ont grandi au coeur de notre continent et du monde. Nous ne perdons pas la mémoire.

Nous croyons en l’Europe, celle du savoir et de l’imaginaire partagé. Nous croyons en l’Europe démocratique, celle où chaque citoyen compte pour un. Nous croyons que la crise actuelle sera demain un levier pour bâtir cette Europe là, celle qui sera au service d’une mondialité de l’échange et du co-développement.

Nous sommes solidaires des Grecs, nous sommes à leurs côtés. Ils sont notre meilleur soutien pour chasser l’austérité de notre continent et remettre l’être humain et la solidarité au coeur de notre projet commun.

Alors que tant de haines et de souffrances nourrissent le retour d’un fascisme qui ne dit pas son nom, le peuple grec nous appelle à ne pas nous tromper d’ennemi.
Entendons cet appel !

Aristophane, Eschyle, Euripide, Sophocle :
Nous proposons de payer notre dette poélitique à la Grèce par une
Agora des mots et des idées
où les artistes et les citoyens pourront dire à leur manière les mots d’hier et d’aujourd’hui
le Jeudi 16 Juillet à 20h30 à la place du Petit Palais d’Avignon.


Premiers signataires :
Pascale Bigot, Pépito Matéo, Philomila Akepsimas, Nicolas Roméas, Amélie Chamoux, Jean-Michel Gremillet, Annie Rosenblatt, Marc Lacreuse, Jean-louis Sagot-Duvauroux, Laurent Eyraud-Chaume, Praline Gay-Para, Thomas Pitiot, Leila Cukierman, Nicolas Bonneau, Frédéric Plicque, Alain Hayot, Bernard Colmet, Agnès Cartraud, Dominique Dublin, Alice Vantalon, Olivier Chamoux, Frédéric Richaud, Michèle Sébastia,  Michel Bellier,  Claudie Gourjon, Yves  Sanguinette, Joëlle Cattino,  Sophie Beroud, David Garibay,Samuel Wahl,  Paul Bouffartigue, Christophe Alévêque, Simon Lambert Bilinski, Mandarine Fabre, Phil Venturino, Olivier Perriraz, Valérie De St Do, Isabelle Desmero, Jean-Luc Galmiche, Cyrille Hrouda, Pierre Fernandès, Paul Fructus, Catherine Zarcate, Jihad Darwiche, Delphine Noly, Morgane Chavot, Terry Pellet, Jacques Patron, Anne Lise Frichet, Sébastien Palmaro, Aurore Gathérias, Henri Gray, Michel Van Loo, Herman Delikayan, Xavier Lainé, Anna Pigkou, Dominique Barberet-Grandière Richard Dethyre, Chantal Mimoun, Nadir Mrabet, Thomas Pizard, Aline Faure, Laétitia Cavalier, Maryse Calvo, Guy Bories, Rossela Pompeo, Pierre Texier, Julien Bouchard Madrelle, Marie-France Bermejo…
signer l’appel via l.eyraud@wanadoo.fr ou 07 85 57 73 69

lundi 8 juin 2015

Retour sur la première édition de Parabola



Nous ne savons pas comment vient une alchimie. On connaît les ingrédients mais le moment où tout bascule reste secret. La magie de ce premier Parabola tient sans doute au bonheur d’être ensemble réunit autour d’idées simples : la parole libre, la créativité de chacun, la beauté de la poésie.

Tout commence par une année de rencontres : les ateliers de la MJC, le stage Parabola (ou l’on doit aller droit au but même si on est jamais monté sur scène) et la première formation BAPAAT de Veynes avec option théâtre (portée par le Greta). Notre envie depuis des années de dépasser le “ronron” des spectacles de fin d’année et d’accueillir les créations des ateliers comme un spectacle professionnel.
Ensuite, nous avons inventé ce premier Parabola en sachant que le savoir, la poésie et la joie sont faits pour cohabiter, que nous sommes tous capables de creuser un sujet, d’y réfléchir, d’y rêver et d’en rire. Cette année, le fil rouge de la parole a résonné du mercredi au Vendredi.
Jeudi, “l’apéro-slam” a réuni les âges autour d’un désir d’expression si bien que nous étions gênés de devoir écourter ce moment qui aurait pu durer une nuit. Les jeunes du collège et la bibliothèque avaient mijoté ensuite un Kamishibaï touchant et porté par cette envie de dire le quotidien et de dénoncer tous les préjugés. C’est devant un public nombreux et autour d’une soirée joyeuse que Rachid Bouali nous a raconté sa découverte du théâtre : “Un jour j’irai à Vancouver”. Ce spectacle plein d’humour est un hymne à l’éducation populaire, une fable du quotidien aux sources du désir de théâtre. Nous étions simplement heureux d’avoir fait découvrir cette création à Veynes et les regards au moment de se quitter étaient comme un remerciement.
Le vendredi fut la journée du premier “Cabaret des Haut-Parleurs”. Nous ne savions pas vraiment où nous amenait cette folie, ce pari fou : réunir 37 élèves de 7 à 65 ans avec une seule répétition commune d’à peine 2 heures. La soirée fut comme une aparté dans le quotidien de chacun. Une salle pleine comme un oeuf, plus de 200 personnes, des familles, des jeunes, des vieux, un public mélangé venu parfois de loin, ont accueillis cette troupe d’un soir par de l’attention, des rires et des applaudissements sans fin. Cette création passait du collage au spectacle. D’une scène à l’autre, comme des échos d’une société traversée par le désir de dire, de nommer, de dénoncer et d’être ensemble, les mots montraient une unité qui nous dépassait amplement. Comme un fil rouge que nous n’avions pas anticipé.

D’un repas partagé au petit mot qu’on se glisse discrètement, de l’appui solide et créatif de l’Olivier à la bienveillance de chaque instant de Cécilia, des mélodies sur mesure de Marionèle à la présence fidèle d’un enfant, d’un spectateur : cette année, cette semaine, cette soirée, nous dévoile la naissance d’une famille autour des valeurs du Pas de l’oiseau.
Nous ne sommes pas peu fiers !
à tout de suite,

Amélie Chamoux et Laurent Eyraud-Chaume

mardi 26 mai 2015

Aider notre venue à Avignon 2015 !

Bonjour,
Notre « théâtre poétique d’utilité publique » pose ses valises à avignon pour un mois. Nous y jouerons une vingtaine de fois la coopérative et 5 fois l’héritage au théâtre de la Bourse du Travail.
Nous organiserons 3 débats autour du théâtre, du monde du travail, de l’économie sociale et des coopératives (programme à venir). Nous souhaitons en effet porter haut et fort ce sujet de démocratie dans l’entreprise. Car tout comme Jean Vilar, nous croyons que le théâtre, que les festivals font avancer les idées.
Cette venue a un coût, vous vous en doutez. Même si notre travail rencontre de multiples résonances, nous n’entrons pas vraiment dans les cases et aucun riche mécène ne s’est encore signalé.
En fait, nous n’avons que vous…
Vous, qui suivez notre travail. Vous, qui avez partagé un héritage ou découvert notre coopérative. Vous, qui participez à nos ateliers. Vous, qui nous accueillez aux 4 coins de la France dans votre asso ou votre théâtre.
Vous, qui pensez que le théâtre est une part d’humanité et qu’il faut le faire vivre.
Vous, qui défendez cette idée simple que la poésie a sa place dans la construction d’un monde simplement humain.
Nous lançons donc une collecte pour nous permettre de réaliser cet Avignon 2015 dans de bonnes conditions. Merci par avance de votre participation. N’hésitez pas à faire suivre ce message…les petits ruisseaux font les grandes révolutions !
Vous pouvez également venir nous voir à Avignon ce sera notre plus beau cadeau !
Bon printemps à tous,
Amélie Chamoux et Laurent Eyraud-Chaume
ps : le lien pour la collecte est ici… ou là


Avignon Off 2015
Théâtre de la Bourse du Travail CGT

La coopérative
du 4 au 26 juillet à 11h
(relâches les 13 et 20)
L’héritage
les 13 et 20 Juillet à 11h
24, 25 et 26 Juillet à 14h
réservations : 06 77 75 49 31

lundi 25 mai 2015

Parabola (du 27 au 29 mai 2015)

La compagnie Le pas de l’oiseau est heureuse de proposer cette première édition de Parabola, la fureur de dire. Quand les mots se libèrent, la réalité est transformée. Quand la poésie prend le dessus, chacun peut dépasser ses propres limites. Parabola est un rassemblement de haut-parleurs en quête de bonheurs à partager, un attroupement de rêveurs-éveillés qui prennent le théâtre comme une arme de construction massive !
Amélie Chamoux et Laurent Eyraud-Chaume.

Cannes, épicentre des extrêmes


Soirées VIP, acteurs bankables, entertainment tout puissant, obscénité de l'argent coulant à flot : à Cannes, semble-t-il, seul le tapis est rouge.
Le cinéma est une industrie du divertissement et de l'imaginaire. Le long glissement vers une domination sans faille des producteurs sur les réalisateurs se conforte chaque année. Cette emprise a un impact certain sur les contenus, sur le dénouement des histoires et les thèmes des productions. Cet empire est politique dans sa fondation même. L'imaginaire est l'espace par essence de la lutte des classes. Les films catastrophes, guerriers ou de science fiction suscitent un sentiment d'instabilité permanente, un désir d'ordre et de sécurité. Le récit de la vie des stars cloue l'émancipation sur le mur des "génies" purs et de vies intimes à convoiter...
La France a cette curieuse exception d'être au cœur de cet empire sans être jamais sous sa totale emprise. La fondation du festival de Cannes doit beaucoup à la CGT et au PCF. Le CNC, l'intermittence et les multiples mécanismes de solidarité maintiennent une production indépendante et puissante. Sa diffusion, qui profite de la caisse de résonance du festival, est ample et structurée. Les films français, ou co-produits par des fonds français, sont souvent un antidote sensible à la machine hollywoodienne. Les réalisateurs de ce cinéma indépendant ne limitent pas leur champ de création et, chaque année, ils sont nombreux à investir des sujets sociaux ou politiques. À Cannes, il y a la terre entière, le récit de notre monde qui tombe et des mots qui aident à vivre debout.
Le cinéma et tous les arts vivants sont comme les conteurs de notre mondialité. Ils nous aident à donner sens à cette complexité sans fin, de l'intime et du commun. Cannes pourrait redevenir cet espace de dialogue poélitique mondial si strass et paillettes, argent et médiocrité cessaient de dominer les flux médiatiques. Redonnons la parole aux créateurs, provoquons des rencontres entre artistes, militants, intellectuels... L'art est un fait social. L'imaginaire a sa place dans la construction du réel.
Au cœur de ces enjeux, qu'apportent les déclarations de Manuel Valls ? S'il est effectivement grand temps de ré-augmenter le budget de la culture, où sont les priorités politiques : développement des marchés ou émancipation humaine ? Alors que partout en France, festivals et théâtres paient le prix fort des baisses de dotation aux collectivités, qui croira qu'une campagne de communication cannoise suffit à inverser la courbe de cette disparition lente d'une exception culturelle enviée dans le monde entier ?


lundi 20 avril 2015

Le mouvement et l'alternative(

(éditorial de cerises du 3 avril 2015)

Quand on s'intéresse avec un peu d'espoir et d'enthousiasme aux expériences des gauches sud-américaines, à Syriza en Grèce, on constate que le mouvement ne vient pas de la création d'un nouveau "parti" ou d'une "coalition élargie", mais bien de l'inverse. C'est le mouvement qui, à un moment, invente sa structure.

J'ai eu la chance de vivre le scrutin départemental dans un petit pays (Veynes, 05) où, pas à pas, les mailles de la solidarité, de l'action et de l'alternative se retissent. Notre candidature tirait sa force en partie d'une union d'organisations (FdG/EELV), mais surtout d'une légitimité locale du groupe de citoyens (avec ou sans carte) qui portaient cette campagne. Nous sentons à chaque scrutin, de manière assez subjective, que nous sommes au cœur d'une démarche neuve qui prend corps avec nous et qui nous dépasse. Dans nos 21,5 %, il y a un peu de connivence de "classe", une bonne dose de "reconnaissance" de nos multiples engagements de terrain mais aussi un métissage "culturel" autour de la cohérence d'une idée.
La gauche a énormément souffert de sa professionnalisation et des murs qui semblent infranchissables entre le social, le syndical et le politique. Et si elle n'est pas patiemment démontée, la représentation médiatique de ce constat est un facteur aggravant sur le terrain. Pour changer la vision du réel, contre le storytelling des pouvoirs en place, il faut d'abord agir sur le réel, s'y ancrer. Nous sommes arrivés au bout d'un processus qui multiplie les incantations pour transformer le réel. Les abstentionnistes nous disent à leur façon que la comédie a assez duré. Ce sont les luttes, les résistances, les alternatives écologiques, sociales et artistiques qui font mouvement pour transformer la réalité. Ce mouvement peut être candidat à des élections (et si possible les gagner) mais celles-ci doivent rester une part d'une démarche globale. Nous sommes au début, mais nous sommes nombreux à oeuvrer.
À entendre les discours de dirigeants du Front de Gauche, on se demande parfois où réside leur rapport au réel. Entre les 2 tours, le PCF mène campagne pour battre la droite en votant PS presque comme si de rien n'était. Le soir du 2e tour, Jean-Luc Mélenchon lance un appel solennel (et légitime) à "une nouvelle alliance populaire", transformant même, 2 jours après sur RTL, cette proposition en « condition pour qu'(il) continue le combat ». Outre la personnalisation du propos, il ne fait quasiment aucune référence aux rassemblements déjà à l'oeuvre sur les territoires.
Expérimentons localement des convergences militantes, citoyennes pour faire émerger un mouvement global. Rendez-vous le 11 avril avec les Chantiers d'espoir ?

jeudi 16 avril 2015

L'intimité politique de l'art

Cette article est paru en décembre dans la revue Kritiks que vous pouvez acheter ici ou  !

Quête d’unité
J’ai longtemps pensé que ma joie enfantine d’être sur scène, mon plaisir intime de la lecture et du savoir, et ma soif de militantisme, étaient des actes segmentés ou ne pouvant se croiser que partiellement, ponctuellement.
Dans les réunions militantes, les traits d’humours ne sont pas toujours bien vus et les références bibliographiques rarement bienvenues. J’ai été un militant du parti communiste durant une dizaine d’années et j’étais celui qui a lu le “manifeste” avant de prendre sa carte : un original. Cette organisation a pourtant été pour moi le berceau de nombreuses découvertes et la fête de l’Huma reste l’archétype d’une unité ponctuelle entre la poésie, le savoir et l’action.
Je n’ai jamais eu vraiment de place dans le “monde du théâtre”. Je n’ai pas fait de “grandes écoles” et je reste un fils d’agent EDF. Je me sens décalé, un peu analphabète ou plutôt parlant une langue étrangère. Avec le temps, j’arrive à faire bonne figure. Je n’en veux à personne. L’art dramatique est resté un espace sociologiquement clos. L’engagement politique y est rare et si de nombreuses compagnies se disent “engagées”, c’est souvent une posture qui ne se raccroche pas vraiment à une histoire de luttes concrètes. Et pour le dire en peu de mots, de nombreuses créations et la plupart des querelles qui agitent notre profession ne me touchent pas.
Je navigue depuis 15 ans d’une marge à l’autre, des arts de la rue aux spectacles jeunes publics, du théâtre itinérant aux arts de la parole. Au coeur même de ces projets, immenses et minuscules, affirmer un questionnement politique qui ne soit pas de façade semble souvent plus simple...N’est ce pas la marge qui tient le livre ?
Pour ma part, j’ai découvert à l’interstice de mes engagements une faille, comme une fêlure dans le système : les histoires.

Colère de classe
Nous sommes nombreux à savoir que la réalité de notre monde nous échappe. Nous sentons bien que pour sauver autant notre planète que notre part d’humanité, nous devons oeuvrer à de grands bouleversements, à des transformations révolutionnaires. Pourtant il y a autant dans le monde politique que dans celui de la création une sorte de répétition inouïe, une immobilité quasiment suicidaire. Elle est due à la grande difficulté du mouvement. Le vide amène le risque et souvent la précarité. Les schémas semblent se reproduire sans fin : batailles électorales et luttes de pouvoir, réputation et carrière, héritage et consanguinité.
Les classes populaires sont invisibles. Les “sans dents”, comme notre président les nomme, n’ont pas d’histoire, pas d’existence réelle, au yeux de la société et pour eux mêmes. Quand ils sont représentés à l’écran, ou plus rarement sur scène, l’histoire est tragique (et sans issue) ou ils apparaissent en une comédie caricaturale et exotique. Ceux qui tiennent le stylo ou la caméra ne vivent pas dans les mêmes quartiers et ceux qui financent ne souhaitent pas d’histoires trop complexes.
Je sais mon propos trop abrupte. La classe sociale d’un artiste ne suffit pas à résumer une oeuvre et il y a de très nombreux contre-exemples d’un art qui travaille un imaginaire d’émancipation. Le monde de la création reste pourtant un espace “fermé”. Cette fermeture, d’une classe “noble” qui porte les arts, s’accompagne d’une séparation institutionnelle des professionnels et des amateurs, et des ministères qui les “représente”. Celle-ci est ancrée dans les esprits comme une forme naturelle et ancestrale du rapport qu’entretient l’art et la société. Aux artistes la création, aux amateurs l’animation. Les ateliers peintures, danses ou théâtres apprennent la “reproduction” de l’oeuvre. Combien de compagnies amateurs singeant le théâtre classique ou vaudevillesque ? Les créateurs, eux, travaillent à une “démarche”, une “recherche” et dialoguent avec leurs “pairs”. Chacun à sa place et pendant ce temps là...la terre et notre humanité peuvent mourir.
Alors qu’il suffit parfois d’un presque rien, une étincelle, pour que le mouvement des mots libérés oeuvre à ré-enchanter le monde, le bouleverser. Apprendre à créer et à réfléchir ensemble est souvent plus urgent que d’apprendre une technique artistique, fût-ce t'elle ancestrale ou exigeante. Ces divisions ont anesthésié la potentialité transformatrice de l’art. A tous ceux qui souhaitent révolutionner le monde et leur existence la création doit (re)devenir plus qu’un outil, une arme de construction massive !

Histoires du réel
Ce qui m’a transformé, m’a poussé à agir, n’est pas un tract, une analyse concrète de la situation, c’est la manière dont on m’a raconté une “Histoire” : celle des petits, celle qui se raconte aux interstices, par contagion… Comme on se passait une cassette de rap français, copiée et recopiée de mains en mains. J’ai entendu un jour un vieux militant raconter comment Ambroise Croizat, sous l’occupation, sur un coin de table dans un bar à Paris, écrit les prémices de ce qui deviendra la sécurité sociale. J’ai en moi l’image précise d’une table de bar, d’un stylo, d’une discussion entre militant sur le futur à-venir alors que chaque heure est une victoire contre la mort. Je me suis raconté mon histoire. Comme un enfant construit des châteaux, échafaude des contes… Je me suis bricolé un imaginaire à partir de ma famille, de mes rencontres... J’ai découvert en creusant que le futur est toujours “déjà-là”. Comme les résistants tenaient une bougie allumée avant que vienne le grand brasier de la libération, aujourd’hui une myriade d’alternatives cherche à faire contre système, luttant contre leur invisibilité. Il semblerait que certains ont une fâcheuse tendance à recouvrir ce déjà-là d’une montagne de banalités, de vide, de divertissements… L’imaginaire qu’on nous propose nous diverti d’un futur déjà-là à portée de regard. Il n’y a pas vraiment de place pour le hasard, une lutte se joue dans les histoires que l’on se raconte, ou pas.

Eux et nous
Mes 2 mondes intérieurs, celui de la création et le milieu militant ont en commun ce positionnement simple : il y a eux et nous. Nous les “sachants” allons orienter le public vers la vérité, les électeurs vers la bonne solution. C’est un piège qui se referme discrètement sur nous : la séparation. A partir d’une bulle dorée, elle va de soit et s’accompagne souvent d’un mépris de classe hors norme. Mais elle s’offre à tous, et l’on en vient aussi à nier nos proximités de classes et à refuser les solutions collectives, bien plus complexes à mettre en oeuvre. Le cynisme et le pessimisme aidant, un dédain s’installe comme un mur invisible. Pourtant si le monde, tel qu’il est, injuste et tragique,  peut être géré, et raconté, par un petit nombre, le monde de demain, fraternel et poétique, sera comme un puzzle dont chacun a une pièce. On sait par exemple, qu’il n’y aura pas de solution écologique sans un partage des richesses, dans une réinvention de l’égalité et du collectif. Le monde des arts, les mouvements politiques, et plus globalement la société dans son ensemble, semblent comme tétanisés dans des logiques de concurrences et de survies, qui s’appuient sur un a priori de séparation.

Consensus du commun
Si l’on travaille souvent avec des lycées professionnels ou des jeunes en insertion par soucis de solidarité ou par bonne conscience, on s’aperçoit finalement qu’on a pas grand chose à apporter si ce n’est du temps pour l’imaginaire et la réflexion, et quelques techniques  (l’imaginaire est comme un muscle à exercer). Nous oeuvrons aussi au plaisir partagé de la transgression, à la jubilation du rire et de l’écoute. Si le théâtre peut (et doit) ouvrir des dissensus qui nous obligent au conflit et à la controverse. Les ateliers de créations sont dans un premier temps une découverte du commun et de sa diversité. être debout face à une classe qui ne l’a pas toujours souhaité. Trouver les mots hésitants qui permettent à chacun de jouer le jeu. Voir venir des corps, des mots, des rires. Apprendre chaque prénom, veiller à retenir les détails pour faire vivre des relations. Regarder dans les réactions de chacun comment on s’aime dans la fragilité, dans l’hésitation. L’autre est absolument différent mais nous avons une histoire commune d’humanité : nos joies, nos peurs, nos colères... Comme une première marche d’action collective, la scène porte déjà un mini-antidote à l’individu roi qui gouverne le monde du haut de sa montagne de solitude. Viennent ensuite les questions simples et vertigineuses : qu’allons-nous faire sur scène ? qu’allons-nous raconter ? pourquoi ? comment ?
Les jeunes, qui à mon sens sont déjà des adultes, ont des réponses, des milliers de réponses. Il suffit d’écouter, de prendre le temps. J’ai lu des écrits bouleversants, vu des présences scéniques hors normes, des traits d’humours radicaux, des émotions vives... dans des salles de classes minuscules. J’ai vu des enfants s’ouvrir à la beauté, des ados pleurer...J’ai senti ce futur déjà-là dans leurs coeurs et je vois bien que ma place est ici, que c’est un acte politique, poélitique ! Pour qui pense à demain, il n’y a pas d’autre issue que de nous y mettre tous. Reconstruire un imaginaire collectif, qui ne soit pas kidnappé par quelques uns, nous oblige à faire de chacun un créateur, un artisan oeuvrier de sa propre vie.

Démons de la gauche
J’ai participé à des dizaines de réunions du “secteur culturel”, notamment au PCF. Il n’y a pas d’organisation plus attachée à la défense du monde de la création. Toute son Histoire est tendue vers l’importance des arts et du savoir. La “bataille du livre” d’Elsa Triolet, les paroles de Jaurès, les poèmes des résistants, les communistes portent cet héritage français issu des Lumières. Ils sont aussi les héritiers de l’Est, de la verticalité, de l’art et du savoir au “garde à vous”. Ce siècle tragique fut pour eux comme une descente aux enfers qui mène des “dadaïstes” au “réalisme socialiste”. Le PCF, et une grande partie de la gauche, garde de cette histoire une peur de toute instrumentalisation du secteur de la création. Chaque intervention de responsables nationaux commence invariablement par un hymne à la liberté des créateurs. Quand on connaît les pressions du marché (pour un art rentable et lisse) et celles d’une droite réactionnaire (qui n’hésite plus à pousser à l’interdiction de spectacles ou d’expositions), la liberté de création est un préalable à toute politique culturelle. Cet argument a également poussé à cette même séparation qui fait du “créateur” un “intouchable”. Le seul dialogue entre les élus et les artistes consiste en une négociation “donnant-donnant” de mécanismes de subventions. Le lieu, le festival, la compagnie travaille à “l’image” de la ville, du département, de la région en échange de quoi il crée libéré de toutes contraintes. Certains pensent que cette situation est la preuve d’une démocratie qui fonctionne mais c’est un jeu de dupe. La liberté est ici une illusion. Les artistes sont contraints par cette relation, par la place du marché, du taux de rentabilité des productions, par la concurrence, contraints aussi par leur histoire personnelle, contraints par leur précarité...Les élus détournent le regard, expliquent qu’ils ne censurent rien. Ils laissent faire le marché et les boites de production mais ne censurent rien. Ils ont les yeux rivés sur le taux de remplissage mais ne censurent rien. Ils mettent en concurrence les territoires mais ne censurent rien. Tous les élus ne se ressemblent pas. Certains accompagnent, écoutent, épaulent, oeuvrent aux synergies mais trop souvent les élus de “gauche” ne se différencient que sur le montant alloué à la culture alors que si l’on souhaite être radical il faut prendre les choses à la racine. Il faut donner aux artistes la place simple et utile qui leur revient au coeur de la cité. Il faut lutter avec eux à faire fuir ces démons du marché, du taux de satisfactions, et de la précarité. Ces démons hantent à présent les imaginaires car ils imposent l’uniformisation du goût et des saveurs. L’Histoire du mouvement communiste est tragique et cette peur de l’intervention dans le domaine artistique n’est que l’épiphénomène d’une complexité plus large.

Raconter des histoires
Avec mon alter-ego Amélie Chamoux, nous cherchons un chemin pour être au monde sur scène et tenir cette place. On écoute, on vole des histoires, on fait des collages, on raconte…On tente à petits pas, d’apporter une pierre à ce déjà-là. Sans véritable feuille de route, on dissèque un sujet jusqu’à épuisement. On cherche dans nos vies où sont les échos du mouvement du monde, ses contradictions, ses failles. On part à la rencontre des acteurs du réel, à 2 pas de chez nous. On fouille en archéologue, on note en sociologue, on cogite en philosophe, on rigole en clown. On ne voit pas le chemin au début du voyage. On se dit simplement que les valeurs que l’on porte et les techniques utilisées ne devraient pas trop nous éloigner du monde. Chaque création est toujours un mélange infini de doutes et d’enthousiasmes. Un spectacle est un moment immense et minuscule. Nous nous appliquons à trouver les mots justes, les couleurs, les sons… Nous souhaitons faire des temps de la représentation des rencontres d’humains à égalité. Nous nous attachons à l’idée de raconter la vie sans fard et dans un mouvement de transformation… un mouvement qui existe bel et bien dans le réel. Chaque personnage est pris dans ses contradictions, ses forces et ses défauts. C’est le mouvement de la réalité, au travail au coeur de nos histoires, qui transforme les personnages et leur donne la force d’agir. Nous avons choisi de raconter des histoires, de conter, pour milles et une raisons. L’une des plus centrales est sans doute cette humilité de la relation au public qui dit simplement : “nous faisons parti du monde comme vous, nous allons nous raconter des histoires.” Nous tentons de faire de ce choix plus qu’une posture ou un choix “technique” : une volonté d’unir la forme et le fond. C’est aussi lutter contre cette séparation en racontant le monde sans avoir le but précis, et didactique, de délivrer une vérité ou de “changer” les gens. Si nous assumons sans gène une vocation d’éducation populaire en décortiquant des sujets, en les rendant lisible, nous le faisons à partir du coeur de la société. Tout le monde pourrait le faire, c’est simplement notre rôle social.

Vivre cent vies
J’aurai aimé être journaliste, historien ou président. Demain peut-être. Raconter des histoires me semble une tâche bien plus complexe. Être sur scène et écrire oblige à révéler ses failles, ses monstres. Écrire pour tous oblige à l’écoute, à l’empathie. Je voulais vivre 100 vies. Ne pas choisir. J’aurai été avant-centre à l’OM, chanteur de rock, paysan, voyageur...J’aurai eu des grandes responsabilités pour sauver la planète et les peuples en dangers. J’aurai été avocat, député, reporter à Gaza. Et le lendemain, j’aurai choisi la fête et les nuits sans fin.
Le théâtre a choisi de m’offrir 100 vies, immenses et minuscules. En attendant le jour de la représentation, je respire ma ruralie et je colporte l’envie de l’imagination et du savoir.

Laurent Eyraud-Chaume
Septembre 2014.