(article paru dans l'âge de faire n°100)
Vers 2017 quand les premiers artistes furent candidats aux élections, beaucoup crurent d'abord à un canular. Les Partis de l'époque (mouvement pyramidaux dévoués à l'élection d'un chef) moquèrent ces mouvements initialement disparates qui œuvraient à mettre de "l'art dans la vie". Les premières victoires électorales eurent lieux et les citoyens découvrirent les capacités d'expertise et de gestion de ces militants poélitiques.
Ils décidèrent notamment de permettre aux activistes de l'éducation populaire de développer à grande échelle l'idée simple que chaque citoyen est un artiste et un expert en puissance et le mouvement fit boule de neige : ils furent bientôt des millions à se déclarer “artivistes” ! Des villages devinrent autonome et décidèrent de désobéir aux différentes institutions. Un vaste réseau mondial, sans centralité et sans hiérarchie, se mit à construire une "mondialité de la rencontre et du partage". Internet fut finalement le premier "espace de l'émancipation mondiale (EEM)" : les découvertes, les brevets furent partagés gratuitement sans aucun respect des droits à la propriété. Les EEM devinrent petit à petit la règle, et bien que leur gestion fasse encore débat aujourd’hui, rare sont ceux qui souhaitent ouvertement la re-privatisation de l'eau, des transports en commun ou même de l'énergie.
Les "artivistes de l'émancipation" utilisèrent les outils de l'art et de la création pour inventer pas à pas le monde qui est le notre à présent. Rétrospectivement, chacun s'accorde à dire que c'est la détermination poétique et la joie de la controverse populaire qui permirent ce vaste basculement.
En effet, les premiers artivistes décidèrent de commencer par les fins (une idée simple et romantique pour l'époque) : sauver la planète, partager les richesses, émanciper l'être humain des différentes dominations... Ces idées rassembleuses devinrent des films, des chansons, des BD... Les artivistes œuvrent depuis à rendre visible la complexité du monde et son mouvement même, à valoriser la capacité qu'a chacun à transformer le réel. C'est cette méthode qui permit en quelques années de rendre lisible l'utilisation de la dette par les multinationales et les banques, de populariser les issues écologiques, de faire reculer les racismes...
L'autre levier qui rendit ce mouvement incontournable est sans conteste l'idée que si la "fin" est commune, le chemin mérite débat. Cette règle simple, sans doute issue de la part de doute nécessaire à toute création artistique, fut couplée à une notion de plaisir à œuvrer à la chose publique. Les rencontres "saisons d'émancipations", qui sont aujourd'hui un moment partagé de notre vie commune, furent inventés dans un des premiers villages autonomes au Kurdistan vers 2022. Cette méthode était alors une réponse pour vivre ensemble en prenant le temps de partager les différences de culture et en actant des orientations pour un trimestre. Les "saisons d'émancipations" sont à présent un temps qui rythme notre mondialité. Un semaine par trimestre est consacré au "commun" du local au mondial. Les arts et les savoirs, la fête, la controverse et la décision collective sont appréhendé dans un même mouvement.
Si les "artivistes de l'émancipation" sont devenus le symbole du mouvement qui a créé notre monde, leur particularité aura également était de modifier la place de l'art dans la société. Au début de notre siècle l'art était piégé entre des "créations élitistes" avec peu de résonances populaires et des "productions rentables" soumises aux lois du marché. L'émergence de ce mouvement poélitique a libéré le monde de multiples dominations mais aussi les artistes de ce piège à double tranchant. Il a favorisé une pratique populaire de l'art (auparavant la majorité des citoyens étaient exclus de toute pratique artistique) et les œuvres (musicales, théâtrales, cinématographiques…) ont à présent un rôle central dans la co-invention du commun.
Bien-sur, le monde n'est pas fini. Le choc de nos fragilités fait toujours des dégâts : la concurrence a de nombreux adeptes, la planète souffre encore de 200 ans de productivisme, les identités construisent plus de murs que de ponts, des poches de misères subsistent .... La controverse mondiale si elle a un cap ne permet pas toujours de prendre des décisions communes et efficaces à chaque endroit de notre planète. Il n'y a plus de frontières depuis 2043 mais des siècles de guerres et de dominations ont marqué notre humanité. Nous savons depuis le début de ce grand basculement qu'il n'y aura pas de grand soir et cette idée simple nous a libéré pour prendre soin du chemin et non seulement de la destination, c'est bien cela mettre de l'art dans la vie : un art de vivre !
Laurent Eyraud-Chaume, pour le Pas de l'oiseau, théâtre poétique d'utilité publique, en direct de 2050.
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