samedi 18 septembre 2010

« de la réalité du monde sensible »...(Alp'ternatives automne 2010)

Le titre de la thèse de doctorat de Jean Jaurès résonne dans ma tête depuis quelque jours...« de la réalité du monde sensible »...
Je l'ai retrouvé dans le très bel ouvrage de Charles Sylvestre « Jaurès, la passion du journaliste » (édité par Le Temps des Cerises). Journaliste lui même, il détaille avec délectation l'évolution de la pensée et de la plume d'un Jaurès combattant pour la vérité et la justice. On sent entre chaque ligne l'amour de Sylvestre pour le « grand homme » et la colère sourde qui l'habite face au monde tel qu'il est, ou plutôt tel qu'il est devenu.

« de la réalité du monde sensible »...

Cette accélération permanente, cette course que nous vivons dans chaque moment de nos vies nous amène parfois à se demander où est le réel.
Alors qu'au 19ème et 20ème siècle, la gauche, et singulièrement son aile révolutionnaire, ont su incarner un soif de transformation du réel par opposition à une droite immobile et représentant l'ordre et la tradition, le 21ème siècle change la donne. Ce mouvement permanent, qu'impose le capitalisme « cognitif » et un pouvoir « hyperactif », fait valser les symboles, les traditions, les rythmes...Cette domination sur la montre, sur l'image est une domination culturelle qui invente chaque jour un peu plus un citoyen sans Histoire, sans mémoire...sans repère. Les mots eux-mêmes flottent. Je ne sais plus par quel bout les prendre. Vont-ils eux aussi être récupérés ? Même alternative, citoyen, république sonnent creux … Faudra t-il utiliser des mots bazookas, comme le font les partisans de la « décroissance » ?
La grande finesse des mécanismes qui nous gouvernent réside dans le principe simple du « tout peut faire profit » ou comme le disait mon grand-père « tout ce qui rentre fait ventre ». Qui n'a pas été surpris pas les propos « écolo-gauchisant » d'un nombre important de super-productions hollywoodienne ? Le marché de la Culture est le premier marché au monde...La seule utilisation d'une « bonne » idée par ces requins voraces en annule la portée et nourrie le pessimisme ambiant. Je pourrai analyser ma propre démobilisation ponctuelle après avoir regarder en famille un superbe documentaire écologiste sur la mer où apparaissent gaiement sur le générique Total, Areva et consort...Ils salissent ce qu'ils touchent et c'est pour cela qu'ils le touchent. Qui défendra aujourd'hui les Mutuelles, France Télécom, EDF et demain La Poste après leurs passages dans le mode de gestion de ces utopies en actes...qui ? Qui dans la génération qui rentre aujourd'hui dans la vie active connait 5% de l'histoire de ces projets ? Qui ?
Le relativisme s'impose en politique et l'individualisme, qui est son frère de sang, s'impose dans nos vies privées. On cherche le bien-être, la sagesse zen, les plaisirs rapides, la néo-spiritualité...On desserte le combat des idées, le combat des valeurs...(d'ailleurs le mot combat quel archaïsme !).

Je suis pourtant optimiste. La fable d'un Etat « impartial » s'effondre peu à peu sous les révélations estivales. Sur le net, et ailleurs, les mensonges sont « démontés » avec application. La rentrée sociale sera brulante.
Au quotidien, un peuple multitude cherche cette réalité du monde sensible dans des actes concrets, patients et lents (n'ayons pas peur du mot...). Ils ré-inventent un monde. Ils n'ont pas toujours les mots, le sens de l'Histoire...mais je leur fais confiance. Ils sont dans le réel, un réel humble, humain...sensible. C'est leur lenteur et leur fragilité qui font d'eux des irrécupérables !
Alors sauvons nos retraites, et tout ce qui peux être sauvé, cherchons aussi cette réalité du monde sensible qui fait de nous des humains !

Ps : ne rater pas le nouvelle version du mensuel Regards, c'est un régal, un bel antidote à la pensée courte...