(éditorial de Cerises)
Non ! Le mouvement, qui monte un peu plus chaque jour, est d’abord celui des artistes, des techniciens et de tous les salariés de la culture. L’intermittence est le nom d’un régime d’indemnisation du chômage. Elle ne dit rien des métiers qui sont en premières lignes. C’est une lutte d’image, de récit, de communication qui s’est installée petit à petit dans notre pays. C’est le combat entre le récit de chômeurs “privilégiés” et le récit d’une profession unie autour d’une contre proposition et plaidant pour la solidarité interprofessionnelle.
Pourtant ce que nous découvrons, c’est une profession à bout de souffle, parfois divisée et souvent plurielle. Cette lutte catalyse un sentiment profond de manque de respect, de dédain pour le travail de chacun. Un manque de respect pour une proposition du Comité de suivi qui a su rassembler, depuis 2003, tout un secteur (employeurs, salariés, élus, etc.). Cette proposition n’a pas même été étudiée lors des “négociations”. Colère aussi face aux nombreux reniements du Président Hollande qui avait promis de « sanctuariser le budget de la Culture » et « une réforme juste du régime de l'intermittence ». Deux ans plus tard, c’est l’austérité et le programme du Medef qui semblent faire boussole. Nous voyons donc apparaître dans ce mouvement, bien différent de celui de 2003, pas mal de déçus de François Hollande et même de proches soutiens parmi les directeurs de lieux et de festivals. Si bien qu’on se demande chaque jour combien de temps le gouvernement pourra tenir.
Ce combat doit permettre de clarifier les flux économiques dans la profession et de remettre les annexes 8 et 10 à leur place : une indemnisation de la discontinuité de l’emploi. L’intermittence n’est pas une aide à la création et si elle l’est, c’est par défaut de financement public de la culture. Les compagnies indépendantes, les lieux de proximité et tous ceux qui font vivre une présence artistique sur les territoires doivent permettre par leur lutte de stopper cette réforme injuste et inutile, et d’ouvrir en grand le débat d’une réorientation des politiques publiques de la culture.
Ce n’est pas le combat des intermittents, c’est celui de ceux qui rêvent d’un monde où l’art ne serait plus une simple pratique de “classe dominante” ou un bien de consommation comme un autre, mais serait un levier d’émancipations en chaîne pour toute la société.
* Laurent Eyraud-Chaume
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