mercredi 30 mars 2016

Humanité mon amour !



Parfois la fatigue nous prend, nous souhaiterions nous isoler et chercher un espace loin de la fureur du train fou de l’actualité et du mensonge qui passe. Ce lieu n’existe pas, pas plus que la forêt de Walden. Il n’y a qu’un monde et notre responsabilité est chaque jour engagée. Chaque matin, l’Humanité est là pour me ramener sur le chemin de la pensée coopérative, sur les rives d’un récit partagé du monde. Elle est comme ma relation au dehors...un amour fait d’enthousiasmes et de colères, un lien au réel qui porterait en son sein la force de le comprendre et le pouvoir de le transformer.

Bien-sur, j’aimerai une relation harmonieuse avec mon journal et n’être pas déçu par ses fragilités. Même si l’heure est pour toi d’abord à la survie, j’ai 2 ou 3 exigences du moment que je porte au pot commun du futur à bâtir :
  • La parole journalistique gagnerait à joindre le sensible et l’information. Les plumes sont des humains à égalité de doutes et de fulgurances. Les endroits d’une parole aplanie sont nombreux. L’Humanité gagnerait à parler d’elle, du comment ça se fabrique une pensée, une rencontre. Nos amis de l’autre quotidien (en ligne) y arrivent souvent.
  • L’Humanité gagnerait à être plus et mieux le journal de la gauche radicale dans sa pluralité, sa diversité; en assumant la chance d’être un espace de controverse et de créolité. Parfois on a le sentiment que nos fragilités et nos désaccords sont une faiblesse alors que nous rêvons de débats assumés et d’argumentations publics.
  • Enfin, plus que jamais, nous avons besoin d’un espace qui raconte le déjà-là d’un futur entrain de s’inventer. Nous avons besoin du récit des alternatives en chemin, un récit lucide qui ne cacherait pas les contradictions, les tâtonnements… nos luttes et nos savoirs ont besoin de visée et d’espoirs !

Voilà, si précieux journal, les mots que je t’adresse dans cette lutte si vitale pour ton existence. Comme un vieil amant, je n’imagine pas ma vie sans toi. Pour que vive l’humanité en chacun de nous, Vive l’Huma !

mercredi 23 mars 2016

sur le fil...
















Laisser sonner la sonnerie stridente, devant le portail,
Entendre des voix dispersés et sourdes,
Avoir la vague impression qu’on marche sur un fil
Apercevoir une foule qui cherche l’équilibre, entre peur du demain et colère du présent


Laisser partir son fils, sa fille
Tenter la confiance
Essayer de voir le positif du temps mis en commun
Oublier le fil et la foule sur le fil


Défier les statistiques de l’école publique
Croire aux vertus en chaîne du savoir qui libère
Chercher dans les recoins les tentatives, les inventions
Oublier le fil et la foule sur le fil


Écouter les enfants
vivre leurs joies de première fois
rythmer ma vie de leurs découvertes
loin des fils et des foules


remplir les non-dits de questions
rassembler les pièces du puzzle
coller la pièce “un autre monde” avec celle “c’est la vie”
Faire exploser les hypothèses et les murs de l’école
Couper les fil des foules difficiles et inventer un nous qui défile !

dimanche 21 février 2016

Jean-Luc, le théâtre et la politique.


Je viens de regarder une bonne partie de l'émission "ONPC" dont l'invité était Jean-Luc Mélenchon.
Depuis sa (proposition de ?) candidature, je cherche les mots qui ne soient de la simple colère pour donner mon avis sur cette auto-proclamation.
Je comprend à présent mon inquiétude.
JLM me fascine. J'ai éteint ma TV en me disant : "après tout pourquoi pas lui ? C'est sans doute le meilleur d'entre-nous pour ce job."
Je suis comédien et j'anime des ateliers de créations. Après un tour de démonstration de mime où mon auditoire aura sursauté alors que j'ai écrasé le petit lapin imaginaire que j'avais dans les mains, j'ai pris l'habitude d'expliquer le pouvoir du comédien sur son public et l'immense responsabilité des artistes à user de celui-ci avec clairvoyance.
JLM n'est pas comédien, c'est un homme politique. A moins de penser que tout ceci n'est définitivement qu'un spectacle comme un autre, nous savons que son pouvoir est bien plus grand, bien plus grave. Il me fascine comme un très bon comédien mais comme c’est un homme politique j’ai peur de cette fascination, je ne sais si elle me libère .... ou si elle comble des désirs de “consommateur politique” ? ou pire …

C'est sans aucun doute un homme d'une grande intelligence, doté d'un sens de la répartie et de l'analyse politique hors du commun... Pourtant en politique (comme lors d'une création théâtrale) la seule question est : "quel est notre but ?".
L'Histoire nous a appris qu'il n'y a pas de transformation du monde sans la mise en mouvement de la société elle-même. Je sais que sur ce point JLM serait en accord. Pourtant, étant impliqué depuis des années au cœur de la "gauche de gauche", je peux vous assurer que nous ne sommes pas aujourd'hui en capacité de transformer la société dans sa complexité. Nous sommes divisés, atomisés et sans cohérence idéologique. C'est triste mais c'est un constat lucide que tout militant politique peut faire et à fortiori JLM.
Cet état de fait peut nous amener à différentes conclusions et hypothèses. Chacune d'entre elle est pleine de risques et de dialectiques mais nous devons choisir le chemin qui ressemble le plus au monde que nous souhaitons construire.
Si nous pensons que nous devons nous rassembler autour d'un projet qui nous ressemble alors nous devons d'abord faire le choix d'un travail patient et collectif qui construise notre unité citoyenne. Si nous pensons que les citoyens doivent avoir tout en mains et que les partis doivent être "simplement" au service de cette convergence coopérative alors nous devons user notre énergie à inventer un cadre nouveau qui ressemble à notre époque, à notre pays...

J'ai peur de cette aventure solitaire qu'aucun mouvement ne maîtrise, aucun cadre...JLM ne cesse d'affirmer qu'il n'aime pas ce chaos mondial...mais qui maîtrise JLM ?
Dans ce moment de désarroi et de recompostition, il tente un raccourci. Il pense qu'un bon résultat dans le cadre moisi de cette 5ème République sera "toujours ça de pris". Mais même si il obtenait 15% ou même 20% et même si il gagnait la présidentielle (???) qui seraient les 200 personnes capables d'être élus pour porter cette constituante lors des législatives un mois plus tard ? quel mouvement local au cœur de chaque village, de chaque quartier, de chaque entreprise serait capable de s'organiser pour basculer cette république et surtout ce système ? Le mouvement jlm2017 créé seulement pour élire un président ? Le PG ?

La seule question que nous aurions du nous poser chaque matin depuis 2012 est : comment mettre en mouvement les 4 millions d'électeurs de Mélenchon ? Comment pourrions nous réussir en 1 an et avec une candidature qui nous divise, ce que nous avons échouer à faire en 4 ?

Alors qu'il faudrait œuvrer à une création collective qui donne envie au public de monter sur scène, JLM propose un one man show qu'on peut applaudir à la fin, puis rentrer chez soit, rassasier de bonne conscience...

Nous ne devons plus être spectateur. Nous devons chercher des candidats qui certes peuvent nous séduire et convaincre le grand nombre mais qui sont avant tout de bons animateurs de l'unité militante des citoyens et de bon animateurs de la vie démocratique (du local au mondial).

Il n'est pas trop tard et JLM a toute sa place dans cette construction mais il doit admettre que tout ne va pas à son rythme. Il n'y a pas de raccourci à l'unité. Jean Jaurès était capable de perdre des batailles si il était convaincu des avancées unitaires.
Nous le savons déjà, notre candidat doit être notre projet : radicalement démocratique, partageux et écologiste.

Laurent Eyraud-Chaume

NB1 : Je milite à Ensemble où pour prendre la parole en réunion nationale Clémentine doit attendre son tour et parler comme tout le monde dans les 3 minutes imparties…(je donne ça comme contre-exemple, pas pour défendre une personne contre une autre … je pense qu’il y a bien 5 ou 10 personnes capables de porter la voix de la gauche radicale. Quand on aura le projet pourquoi pas organiser un tirage au sort ? Qu’en penses-tu Jean-Luc ?
NB2 : Il va sans dire que pour ma part je ne souhaite pas une primaire comme solution miracle et encore moins avec le PS et Cie ! Il y a peut-être une voie entre la primaire au centre-gauche et l’auto-proclamation du sauveur ? non ? rassurez-moi …!


dimanche 27 décembre 2015

Faire trembler les murs

Il se lève un matin comme précipité
ne regarde pas l'heure ni le calendrier
il se dit que finalement tout ça à trop duré
les attentes au portail, la file des humiliés

ce soir il sera là assis au troisième rang
il ne parlera pas mais il se sent vivant
il traversera la ville le noir est si vibrant
les accords de sa vie, du chaos au chantant

   Faire trembler les murs
   Faire taire les frissons
   Faire trembler les murs
   Faire danser la raison

ça parait tellement simple regarder l'horizon
savoir sentir le vent colporter les saisons
oublier ses papiers sans danger de prison
mais il faut rester calme comme ce mur de béton

il a bien écouté les chiffres les idées
tout ça il le savait il suffit de regarder
mais se sentir moins seul ça permet de marcher
le regard bien fixé au dessus des graviers

Faire trembler les murs
Faire taire les frissons
Faire trembler les murs
Faire danser la raison

Il se lève ce matin il est déterminé
il regarde bien l'heure et le calendrier
il sait que c'est fini tout ça à trop duré
les attentes au portail, la file des humiliés

dans une heure tout au plus il refera l'histoire
il offrira ses mains sa force pour une victoire
il sentira le vent sans trop vouloir y croire
ce mur est bien tombé il y a tant à voir

Faire tomber les murs
Faire taire les frissons
Faire tomber les murs
Faire danser la raison



dimanche 15 novembre 2015

art et politique : la soif de récit commun



L’actualité réserve des surprises. En Juillet, au coeur du festival d’Avignon, afin d’accompagner notre “coopérative”, nous avions proposé, à Pierre Zarka une rencontre autour du thème “Art et Politique” dont le texte ci-après retrace l’intervention. La Grèce, patrie de la philosophie et du théâtre, tentait, au même instant, de rester debout face à des voyous à cravates.

Pour écrire un spectacle, nous cherchons les bons mots pour dire le monde, sa complexité et ce qu’il recèle de possibles. Nos récits cherchent un récit plus large. Nous partons à la recherche de la vérité déjà-là mais non encore visible. Nous ne sommes pas une avant-garde éclairée mais plutôt comme un membre de la famille qui se serait spécialisé dans la poélitique.

Le rapport au réel semble un passage courant de la création mais les artistes sont comme le reste de la société, leur désir de “social” ne fait pas une visée. L’art a besoin de politique pour trouver un souffle radical et d’aujourd’hui. L’art doit fuir le rentable, l’efficace, le beau pour le beau. L’art doit fuir le consensus de la bien-pensance et la rhétorique du renoncement.

L’art a aussi besoin de faire politique en dehors des temps artistiques. De nombreuses constructions alternatives existent qui questionnent l’économie de la culture, le rapport au pouvoir, au territoire, la place du public dans la construction des créations. Ces utopies en marche restent pourtant minoritaires. Le monde culturel fonctionne comme un marché et se gargarise de discours sur sa “mission de service public”. Il défend “notre part d’humanité” mais reproduit des méthodes de gestion du personnel digne des plus grandes multinationales. Il radote “démocratisation de l’accès à la culture” mais fonctionne en castes hermétiques. La refondation de ses pratiques autour, notamment, des valeurs portées par l’économie sociale semble une urgence politique.

Mais la politique a aussi besoin d’art. Elle a besoin (nous avons besoin) de co-écrire un contre récit. La politique radicale (vous savez celle qui prend les choses à la racine...) doit se ressourcer à la bouleversante source de la créativité. Elle doit douter de ses mots et inventer des formes, des images qui raconte un non-dit collectif : notre futur.

L’épisode des chemises ôtées aux dirigeants d’Air France a fait irruption dans le récit médiatique permanent. Ceux qui ont condamné à la vitesse d’un avion de ligne ces actes de “violence” n’ont pas sentis que la colère sourde peut trouver de la force dans ces images. Pour beaucoup de monde un “encravaté” est devenu un ennemi de classe. Le choix des formes de luttes est un vaste débat. C’est aussi un débat culturel et nous devons le mener. Le récit quotidien de la saine gestion des affaires, de la lutte contre le déficit, de la “seule solution possible” est écrit comme on rédige un conte, un spectacle. Cette mauvaise pièce est celle qui fait tenir debout ce système château de carte.

Et comme l’actualité réserve des surprises, nous avons découvert un bout du château de carte avec les images de l’Elysée tournée pour un documentaire où l’on découvre Manuel Valls et François Hollande accueillant la nouvelle ministre de la Culture. La scène pourrait être comique si ce n’était pas un drame. On y conseille à Fleur Pellerin d’aller voir Jack (Lang) car “il faut des idées” et il en a. Il faut aussi se “taper” du théâtre tous les soirs et dire aux artistes qui “veulent être aimés” que c’est “beau” que c’est “bien” etc… Le pathétique de la situation dévoile comme jamais une chute dans un vide de sens sans nom. L’art et la politique sont comme des marionnettes dans un jeu médiatique et électoral où les idées et les soirées au théâtre sont des pions à faire avancer pour vaincre et convaincre.



On comprend mieux au visionnage de cette vidéo la récente loi sur la création artistique qui semble s’arrêter à la gestion des affaires courantes. On comprend mieux le silence de nos élites face à la disparition de festivals, face à la fermeture de lieux. La politique et l’art ne mérite pas ce moment historique où l’on semble danser au bord du gouffre. Les peurs, les racismes, les guerres, le recul de la chose publique, tout cela est nié… encore une dernière danse madame la ministre?

Laurent Eyraud-Chaume