vendredi 4 avril 2014

Le tour du Verdon, d'un tour à l'autre...


J'ai eu la chance de raconter l'Héritage chez l'habitant pour une tournée du Verdon du 20 au 30 mars. C'est une expérience humaine hors norme. Dans ce bout de France, on croise la terre entière : des profs amoureux des mots dits, des paysans qui libèrent leur salon après avoir "fait" le cochon, des militants de terrain, des voyageurs, des jeunes en quête de futurs, des moins jeunes qui décident de s'impliquer pour la première fois aux municipales... Après chaque représentation, on mange ensemble. Certains dans l'urgence ont commandé des pizzas, d'autres arrivent avec des cagettes de fromages de chèvre, des quiches de toutes sortes, des chips, du saucisson... et des bouteilles de rouge ! C'est le  plancher des chèvres" ( http://leplancherdeschevres.fr/ ) qui nous accueille, une association portée par des bénévoles et des salariés, portée surtout par un idéal simple : un art au cœur du monde.

La France des villages n'est pas triste ou renfermée. Elle est comme celle des villes : traversée de peurs et d'espoirs, de joies et de colères. Ce qui change ici, c'est simplement la proximité. Cette proximité est comme un outil pour ceux qui ne se contentent pas du monde tel qu'il est. Ici chaque acte a des conséquences tangibles. D'un village à l'autre, je découvre que chacun est au courant des enjeux des différentes communes, chacun a son avis sur la question. L'élection municipale est comme le révélateur de ce qui se joue ici au quotidien. Il y a une soif de politique. Comment maîtriser les flux touristiques ? Comment agir sur le prix du foncier ? Comment faire tomber les barons locaux qui mettent des caméras de vidéo-surveillance dans des rues souvent désertes ?

Chaque soir, je refais le monde avec des gens différents. L'hospitalité est aussi dans les dialogues et les récits. Il y a une grande conscience que ce monde est absurde, que la loi de l'argent roi devra cesser. Chacun cherche un chemin, parfois avec une naïveté touchante, parfois avec une conscience joyeuse. Le théâtre ouvre au dialogue, à la confidence... Il permet aussi, simplement, de sortir de chez soi (dans tous les sens du terme) et de rencontrer son voisin dans une autre situation.

Entre une quête de bonheurs simples et une action militante de tous les instants, beaucoup ne choisissent pas et n'imaginent pas vivre l'un sans l'autre... Je rêve d'un mouvement politique qui serait comme la ruralité engagée d'  aujourd'hui : ouvert sur le reste du monde et ancrée dans le quotidien. J'espère un mouvement de ceux qui refusent chaque matin de rentrer dans le   jeu morbide de la lutte de tous contre chacun, un mouvement qui transformerait une posture éthique en acte politique. Le théâtre par les villages me rassure sur le futur et m'invite à chercher mieux encore une radicalité au cœur du monde. Le chemin est long, mais vu d'ici, loin des jeux d'appareils et de la fièvre journalistique, il est aussi joyeux et calme. Comme si pas à pas un monde nouveau se réinventait. Il manque sans doute parfois de cohérence, d'articulation aux questions sociales du monde urbain, mais il est en marche et c'est un déjà-là précieux.

* Laurent Eyraud-Chaume


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