dimanche 18 mai 2014

Les européennes sont un scrutin local !


C’est devenu comme une course folle, un monologue du renoncement : réformer la France, la faire entrer dans le 3e millénaire, lutter contre les archaïsmes ; il faut dire la vérité aux Français ; les Français ne comprennent plus leurs institutions, nos collectivités ne sont pas adaptées au siècle qui s’ouvre…

Comme le reste de sa politique, le projet territorial de Manuel Valls me fait d’abord l’effet d'être celui d’un homme de droite infiltré pour faire sombrer la “gauche”. Il pousse au suicide une "élite" aveuglée par les jeux de pouvoir et les éléments de langage. Pourtant, le projet est trop "énorme" pour être une pure folie. Si le gouvernement décide de se couper ouvertement du pays et d’une partie de ses élus locaux, c’est qu’il défend des intérêts, des intérêts de classe. La disparition des départements, de la moitié des régions, la baisse de 11 milliards des dotations aux collectivités sont un seul et même projet politique : construire des territoires à l’échelle de la compétition européenne et mondiale.

Vu de mon département alpin, ce passage en force semble pour beaucoup une stratégie politicienne, un nouveau chapitre d’une lutte “fratricide” entre les élus locaux et les élus des appareils. L’échelon départemental et son mode de scrutin “cantonal” a vu émerger des barons locaux qui ne pouvaient être élus sans une proximité/osmose avec un territoire. Les conseils régionaux sont des lieux de combat d’appareils et ne laissent que peu de place au local.
Les visées de la réforme sont pourtant bien plus grandes. Depuis des années, celui qui cherche des financements européens l’aura bien observé : l’Europe est construite sur la concurrence des territoires. Manuel Valls lance cette réforme structurelle pour répondre aux attentes de la “Commission”. La disparition des départements et de la moitié des régions répond à un double objectif : la baisse des “coûts” et l’adaptation des collectivités aux “territoires” du marché.
Cette réforme ne tombe pas du ciel et rien n’est improvisé. Elle est aussi le fruit d’un long travail de “communication” sur les “mille-feuilles” et la “désorganisation”. Le gouvernement risque pourtant de tomber sur un os. Depuis ces annonces, des élus de tout bord s’insurgent et des appels au référendum sont souvent lancés. Un pays est d’abord une construction culturelle. Les échelons des collectivités sont autant d’espaces de luttes et de consensus politiques. Ils sont le fruit d’une longue maturation dans les profondeurs de ce qui fonde un pays. Bien entendu, la vie elle-même pousse à de nouvelles inventions et il faudra trouver les formes adaptées à ce que nous voulons construire ensemble et aujourd’hui. Les nouvelles technologies, les transports, la rapidité de circulation de l’information, la transition énergétique sont autant de nouveautés qui appellent à de nouveaux territoires. Rien de neuf ne peut pourtant venir sans projet de société et sans une place centrale pour l’action citoyenne. L’Europe doit être un de ces nouveaux territoires, un espace où l’on pourrait inventer une politique environnementale et énergétique commune, un espace pour inventer une force de paix, un lieu pour réguler les flux économiques et inventer des solidarités nouvelles. L’Europe doit être un outil pour irriguer des territoires, urbains ou ruraux, créateurs d’alternatives concrètes, citoyennes et solidaires. L’Europe doit soutenir des projets de territoire avant de soutenir des échelles de collectivités, des complémentarités et non des concurrences. Dans ce cadre, qui peut trancher, sans débat, pour un avenir sans département et avec d’immenses régions ? qui ? à part ceux qui ont un intérêt à ce grand big bang ?
Le 25 mai est aussi un scrutin local !